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vendredi 10 octobre 2014

indo 54, 2ème partie 10/10/2014

Octobre 2014 , 
au cinéma "Arletty",
un mois consacré aux guerres coloniales menées par la France en Indochine et en Algérie
Pour le second jeudi du souvenir,
un film d'auteur 
"La  317 ème section "

Les apprentis compagnons doivent produire un chef d'oeuvre pour devenir artisans à part entière et être reconnus par leurs pairs.
Il faut considérer que la 317ème section est un chef d'oeuvre, le chef d'oeuvre de Pierre Schoendoerffer.
En tout cas c’est ainsi que les critiques de tous bords le considèrent lors de sa sortie en 1965. 
Cette année-là, le film représente La France à Cannes et obtient le prix du meilleur scénario.
Tourné en 1964 durant six semaines dans la jungle cambodgienne à l'époque de la mousson, il est considéré comme le film de guerre par excellence, le film de référence sur la guerre des Français en Indochine.
Une quarantaine d'années plus tard, lors de sa remasterisation, de sa projection à Cannes dans sa version rénovée, il garde le même statut.
Cela tient certainement à trois raisons
Première raison : le trio de base à l'origine du film sait de quoi il parle.
Georges de Beauregard, le producteur, est un ancien résistant.
Raoul Coutard, le chef opérateur s'est engagé, dès 1945,dans le corps français d’ Extrême-Orient, il retournera une seconde fois en Indochine en tant que reporter photographe, c'est là qu'il rencontrera, Pierre Schoendoerffer, le futur scénariste et réalisateur de la 317ème section, lui-même engagé dans le corps expéditionnaire comme caméraman au service cinématographique des armées.
À ce titre, Pierre Schoendoerffer couvrira un grand nombre d'opérations, sera parachuté sur Diên Biên Phu où il sera fait prisonnier à l'issue de la bataille.
Deuxième raison : le film a longtemps été travaillé en amont, c'est d'abord un synopsis, puis un livre, puis un scénario, on n'y recherche pas d'effets spectaculaires, la caméra est à l'épaule, elle ne voit pas plus que ce que voit un combattant de la 317ème section.
La troisième raison tient à ce qu'Henri Chapier écrivait dans Combat le 1avril 1965
« Il n'entre ni arrière-pensées politiques, ni aucun pathos sentimental : on y décrit -avec une sobriété extrême- le comportement de ces militaires qui s'acquittent au mieux de leurs tâches. »
Pas de super héros donc, mais des hommes ordinaires plongés dans une situation extraordinaire :
La guerre
La jungle, la mousson, un pays fascinant peuplé d'êtres attirants
Le fait que la section soit à la fois dans la position du chasseur et du chassé.
Un film authentique donc et le Capitaine Bonelli, lui-même ancien d’Indochine, nous a dit, après la projection, combien cette histoire fictive était proche de ce que nos soldats ont vécu là-bas.
Les esprits chagrins estimeront qu'encore une fois les femmes ne sont pas concernées par cette histoire d'hommes.
Or une femme participe de près à l'élaboration du film : c'est Brigitte Friang, nommée administratrice de production dans le générique.
Son parcours mérite qu'on s'y arrête quelques secondes :
À dix neuf ans elle entre dans la Résistance ( BCRA ); grièvement blessée lors de son arrestation par la Gestapo, elle est déportée à Ravensbrück, d'où elle revient en France pesant alors moins de 30kg.
Elle devient attachée de presse d'André Malraux lors de l’aventure du RPF, puis part comme reporter en Indochine. Elle n'hésite pas à sauter avec les paras pour les suivre en opération.
Le Capitaine Bonelli nous a rappelé combien sa présence à Diên Biên Phu, lors du Noël 1953, apportait un peu d’amitié à tous ces militaires éloignés de leur famille. Plus tard, en 1956, elle couvrira Suez, en 1967 la guerre des six jours, l'offensive du Têt à Saïgon en 1968, la chute de cette même ville en 1975.
Son livre, " Regarde-toi qui meurs " est bouleversant, surtout toute la partie ayant trait au séjour à Ravensbrück et au difficile retour à la vie des déportés.
C’est d’elle dont Malraux parle à la fin des Anti-Mémoires lorsqu’il évoque la déportation, « cette ombre de Satan étendue sur le monde ».
Une dernière remarque et une anecdote.
Pierre Schoendoerffer disait qu'en Indochine on avait fait une guerre de pauvres, il voulait faire un film de pauvres. 
Les balles à blanc, coûtant trop cher, tous les tirs que l’on voit dans le film ont été faits à balles réelles.
L'anecdote rapportée par l'IDHEC : "lorsque l'équipe revient au village où elle a tourné la première séquence ( le poste de Luong Ba  dans le film ), elle a constaté que celui-ci avait été rasé par les bombardiers américains qui avaient sans doute repéré une activité suspecte".
La guerre du Vietnam avait fait place à la guerre d’Indochine.

FOREST Jean Michel, co organisateur de ce mois  cinématographique  du souvenir des guerres  oubliées d'Indochine et d'Algérie

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